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Auteur : Christian Doepgen


Artikel Nummer: 39160

Le regard extérieur

«Soyez juste. Soyez objectif. Ne tirez pas de conclusions basées sur des preuves unilatérales.» Mahinda Rajapaksa, (*1945), politique sri lankais, président du Sri Lanka (2005–2015), Premier ministre depuis 2019.


Le paresseux bien vivant qui sommeille en chacun de nous recourt facilement à ses vieilles habitudes d’animal routinier face au monde extérieur. Si 95% de nos rituels quotidiens sont bien huilés, nous soulageons notre cerveau et créons de l’espace pour les processus de pensée réellement importants. Ce type de concentration semble porter ses fruits à en croire l’homme politique US récemment décédé Colin Powell, après un remarquable parcours qui a mené ce fils d’immigrant du Bronx au rang de chef d’état-major des armées: «Pour atteindre un niveau d’excellence dans les tâches importantes, il faut créer des habitudes pour mener à bien les nombreuses petites tâches.»

Jusque là tout va bien. Mais que se passe-t-il lorsque les tâches routinières prennent le dessus et que cet espace de liberté n’est pas rempli et exploité mentalement? Alors nous sommes arrivés dans le présent de nombreuses personnes, un présent dont nous ne pouvons pas non plus nous défaire. Intervient alors tant dans la sphère privée que professionnelle la règle de trois bureaucratique: «Nous avons toujours fait cela, cela restera toujours ainsi, à quoi pensez-vous!» Ce qui nous amène à considérer comme «normales» voire «sans alternatives» certaines dérives.

Rien de nouveau n’émerge d’une telle vision du monde, que nous rejetterions collectivement si on nous la proposait, et ce n’est pas surprenant. Dans ces conditions, comment se soustraire à cet engourdissement de l’esprit? Pour les experts, rien ne vaut l’autocontrôle, l’autocritique, la vigilance et une perpétuelle curiosité.

Mais vous avez raison, je suis méchant. Ces notions sont toutes des contradictions dans les termes et certainement pas le mode d’emploi adéquat pour notre quotidien plus ou moins stressant. Les habitudes peuvent être des ennemies tenaces, comme l’a fait remarquer l’humoriste américain Mark Twain: «On ne peut pas jeter ses vieilles habitudes par la fenêtre. Il faut les battre vers le bas de l’escalier, marche par marche.»

Difficile donc de trouver la réponse à cette question au fond de soi. Le regard extérieur, de préférence d’une personne étrangère à notre domaine ou au thème concerné, me semble une méthode plus appropriée pour y parvenir. Cette technique donne souvent lieu à des échanges de qualité, comme en atteste une étude menée par Gautam Mukunda, professeur adjoint à la Harvard Business School. Le point de vue objectif du néophyte l’emporterait en effet toujours sur la précieuse expérience et les avantages en termes de savoir. Un étranger qui donne franchement son avis nous permettra souvent d’aller le plus loin.

Il ne s’agit pas ici d’enrichir le débat. Bénéficier d’un avis extérieur révèle les angles morts des schémas de pensée et de comportements communs. La vérité fait mal parfois, et nous n’aimons pas renoncer à nos habitudes. Mais au fond les critiques charrient leur lot de perspectives enthousiastes et révèlent nos talents en jachère. Le jeu en vaut donc la chandelle.

Cela vous semble trop abstrait ? Dans ce cas, je vous souhaite bien du plaisir à mener cette expérience qui va de pair avec une perte de contrôle. Car vous donnez à un tiers la totale liberté d’évaluer votre activité. Et si le résultat se recoupe avec votre intuition, vous êtes sur le bon chemin, d’après l’auteure Esther Kleppen: «La critique venue de l’extérieur est la meilleure réponse au doute intérieur.»

 

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