
« L’optionalité est notre meilleure monnaie »
Entretien avec David D’Annunzio, vice-président mondial – responsable vertical, secteur automobile, DP World. Comment un logisticien mondial répond-il aux bouleversements de l’industrie automobile ? David D’Annunzio, cadre de DP World, est venu du Texas au pays de BMW pour parler de nouveaux standards pour la logistique des véhicules électriques, de la donnée comme base décisionnelle – et des raisons pour lesquelles les stratégies logistiques ne doivent plus suivre le chemin le plus économique, mais le plus intelligent.
Comment décririez-vous la situation actuelle des chaînes d’approvisionnement automobiles mondiales ?
Nous sommes dans une phase de transformation. De nombreux facteurs extérieurs entrent en jeu – du débat sur la bonne motorisation aux tensions géopolitiques, en passant par l’évolution constante des règles douanières. De nombreux constructeurs ne savent pas eux-mêmes exactement quelle stratégie adopter. Notre rôle chez DP World est donc de rester flexibles et prêts à agir dès qu’un client prend une décision.
Comment cette incertitude influence-t-elle vos stratégies logistiques ?
Nous nous considérons comme un partenaire en aval. Lorsqu’un constructeur aux États-Unis ne sait pas comment gérer une hausse soudaine des droits de douane – récemment 50% sur l’acier –, nos marges de manœuvre sont aussi limitées. Ce que nous pouvons faire, c’est développer nos capacités mondiales et proposer un maximum de solutions prêtes à l’emploi pour réagir rapidement si besoin.
Quel rôle joue la résilience dans ce contexte ?
Dans un environnement volatil, la flexibilité et les options sont essentielles. Le mot-clé est « re-globalisation » – aujourd’hui, chaque chaîne d’approvisionnement solide doit disposer d’alternatives. DP World suit l’approche d’une offre intégrée de services. Cela réduit la complexité et augmente la vitesse de réaction. L’optionalité est notre meilleure monnaie.
Quelle est l’importance des solutions multimodales dans la logistique automobile ?
Elles sont très importantes. DP World combine les services portuaires classiques avec un portefeuille logistique croissant. En Inde, par exemple, nous exploitons nos propres services ferroviaires et routiers. Dans d’autres régions, nous faisons appel à des partenaires. Ce qui compte : là où nous possédons nos propres actifs, nous maîtrisons les capacités – un atout dans un marché tendu.
Comment l’électromobilité modifie-t-elle vos exigences opérationnelles ?
Les batteries introduisent de nouvelles complexités – en matière de manutention, de stockage et de retour. Aux États-Unis, il n’existe souvent pas de normes uniformes ; ce sont les pompiers locaux qui fixent les règles. En Allemagne, nous sommes les mieux positionnés sur ce segment. En parallèle, nous devons continuer à gérer les pièces de moteurs thermiques – cela exige plus d’espace et de nouveaux processus.
Quels outils numériques utilisez-vous ?
Nous avançons sur plusieurs fronts : automatisation par IA dans l’entrepôt, reconnaissance d’images pour l’identification des palettes, modèles prédictifs pour la demande. Si la qualité des données est bonne, nous pouvons nettement améliorer l’efficacité et la précision. Mais sans données propres, même la meilleure technologie ne sert à rien.
Quel est votre conseil aux logisticiens automobiles pour les 18 mois à venir ?
Misez sur la flexibilité plutôt que sur des économies de court terme. Les achats stratégiques ne suffisent plus – il faut être préparé à l’imprévu. Ceux qui intègrent la logistique dès le développement du véhicule peuvent structurer des processus plus efficaces.
Et votre vision pour DP World ?
Selon Gartner, nous sommes aujourd’hui encore considérés comme un acteur de niche. D’ici 2030, nous voulons rejoindre la catégorie de tête – en tant que partenaire logistique pleinement intégré pour l’industrie automobile.
Comment la logistique peut-elle devenir un levier stratégique dans l’automobile ?
La logistique est souvent perçue comme un simple poste de coûts – alors qu’elle peut, bien utilisée, offrir un véritable avantage concurrentiel. Si nous sommes intégrés très tôt dans le développement des nouvelles plateformes véhicules, nous pouvons participer à la conception des processus : du packaging à la planification du transport, jusqu’à l’efficacité en entrepôt. Cela réduit les efforts et les erreurs dès le départ.
Quels sont les plus grands potentiels d’innovation d’ici 2030 ?
Clairement dans l’automatisation et la robotique – associées à l’IA. En Europe en particulier, la logistique souffre d’une pénurie croissante de main-d’œuvre. Beaucoup de tâches sont transférées vers l’Europe de l’Est ou confiées à des travailleurs étrangers. L’automatisation nous permet non seulement d’augmenter l’efficacité, mais aussi de planifier de manière fiable – un élément clé pour une chaîne d’approvisionnement stable.