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Auteur : Claudia Behrend


Artikel Nummer: 39896

Les joies de la débauche

«Qui n’apprécie rien devient imbuvable.» Arno Plack (1930 - 2012), auteur et philosophe allemand


Je me souviens parfaitement comment j’ai appris à apprécier le luxe. Cela remonte à mes années d’étudiante. Un jour, j’ai remporté un prix: une soirée huitres et champagne dans un hôtel de luxe de Hambourg, avec un seul bémol: je n’aimais pas les huitres.

À part le champagne, que j’appréciais déjà sa juste valeur, il n’y avait rien d’autre, sauf, comme dit, les huitres. Après avoir porté la première à ma bouche de manière hésitante, j’en pris une deuxième, puis une troisième, et très vite, je me suis habituée au goût.

Ce fût une soirée inoubliable au cours de laquelle j’ai dégusté plusieurs douzaines d’huitres et ingurgité des litres de champagne. J’exagère à peine. Le tout en m’entretenant avec exaltation avec le Prince Alain du Domaine Pommery, étant la seule de la tablée à maîtriser la langue de Molière. Plusieurs jours plus tard, j’étais encore sous le charme de cette soirée et je n’en revenais toujours pas d’avoir vécu et ressenti une telle ivresse des sens.

Cette expérience est-elle le fruit de mon imagination ou l’ai-je réellement vécue? Je vous laisse le soin de décider, car cela me donne une plus grande liberté d’écriture. Une telle opulence soulève toujours des questions telles que: jusqu’à quel point les excès sont-ils encore tolérés et quand la limite du bon goût est-elle franchie? La phrase d’Oscar Wilde «Donnez-moi le superflu, je me passerai du nécessaire» me laisse un arrière-goût dans la bouche.

Lorsque j’étais enfant c’était encore différent. Je rêvais naïvement de prendre un bain dans des écus d’or en chocolat, et, contrairement à mes copines qui appréciaient Donald Duck, j’avais déjà un net penchant pour l’Oncle Picsou. Ma rencontre, des années plus tard, avec un célèbre avocat dans un bar de Hambourg n’était donc pas le fruit du hasard. On lui avait parlé de moi en disant que j’étais à la recherche d’un emploi, après la faillite de mon précédent employeur, ce qui était effectivement le cas.

L’avocat en question avait besoin d’une sorte de «bonne à tout faire» m’a-t-il dit, en plus de quelques travaux d’ordre juridique. Puis, il prononça cette phrase qui résonne encore dans mon esprit: «Lorsque je me lève le matin, j’attends de vous que vous ayez déjà analysé et évalué l’actualité du jour. Et si j’ai envie d’offrir à mon épouse une coccinelle bleu ciel avec un ruban rose sur le tarmac de JFK à New York dans trois jours, ce sera à vous de l’organiser.» Était-il sérieux? J’avais en tous cas le sentiment qu’il ne trouvait pas ses désirs particulièrement extravagants.

L’hédonisme a certainement connu plus de succès ou fait l’objet de plus de railleries en Europe par le passé qu’il ne fait d’adeptes maintenant. Citons, par exemple, l’expression de la «gauche caviar», utilisée au début des années 1990 pour désigner certains hommes politiques de la SPD gravitant autour de Gerhard Schröder. Et durant tout ce temps, je me demandais d’ailleurs pourquoi ma région natale nord-européenne me faisait moins rêver que la région méditerranéenne.

«Je généralise peut-être, mais le plaisir est plus présent dans le catholicisme», a déclaré le chef Vincent Koch. Cela a-t-il un rapport avec la confession qui suppose des péchés? N’est-il pas vrai que le plaisir et le péché s’associent souvent? C’est du moins le point de vue de Robert Pfaller, professeur de philosophie à l’Université de Linz. On lui doit la phrase: «Plaisir et renoncement sont incompatibles». La notion de plaisir comprend toujours un aspect malsain, voire nocif pour la santé. Une gueule de bois, un danger de contagion ou encore du cholestérol.

Goethe a déclaré: «Aucun plaisir n’est passager, car l’impression qu’il laisse subsiste.»

 

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